29.7.10

La parole donnée



Nous devions attaquer la bourgade de Prez, à quelques kilomètres au sud. UN INCIDENT allait en décider autrement. Le chef d’une batterie d’artillerie lourde, très soucieux de son confort, avait emporté en campagne son automobile personnelle, équipée – fait rare à l’époque – d’un autoradio. L’après-midi était bien entamé lorsqu’il vint me rapporter ce qu’il venait d’entendre. Les actualités françaises avaient annoncé que le maréchal Pétain s’apprêtait à demander à l’Allemagne une armistice. Je m’en ouvris à Rudolf von Gersdorff, chef de section opérations de l’état-major de la division. LA NOUVELLE N'ETAIT PAS OFFICIELLE : il n’y avait ni cessez-le-feu confirmé ni ordre formel en ce sens. Mais nous considérâmes que l’information était décisive et justifiait que nous modifiions notre conduite. Il nous apparaissait clairement qu’il était inutile, et même criminel, de VERSER DU SANG à ce stade des hostilités. Nous prîmes donc l’initiative – certes incongrue de la part d’officiers d’une armée victorieuse – de nouer contact avec l’adversaire.

Nous nous fîmes expliquer par un colonel français prisonnier à quels endroits la route était minée. Après avoir confectionné UN DRAPEAU BLANC fixé sur un manche à balai, nous réquisitionnâmes un clairon et une voiture ! Dans ce noble équipage, Gersdorff et moi approchâmes des positions françaises. Une sentinelle vint nous interroger sur l’objet de notre démarche. On alla chercher l’officier qui commandait le bataillon français. C'ETAIT UN SIMPLE LIEUTENANT : comme moi, il devait assurer l’intérim du chef du bataillon, parti la veille chercher ses instructions. Le lieutenant français, après nous avoir fait bander les yeux, nous emmena au PC opérations du bataillon. Il était 17 heures. Le Français ne savait rien de la demande de cessez-le-feu et affirma avoir instruction de tenir sa position jusqu’à 19 heures précises. Il se retirerait ensuite. EN GENTLEMEN, nous convînmes donc que les Allemands se mettraient en mouvement après 19 heures, et n’occuperaient le village que lorsque les derniers Français en seraient sortis.

Satisfaits de cet arrangement, nous rentrâmes à Aillianville. Gersdorff me demanda de veiller à l’exécution des termes de l’accord et s’en retourna à l’état-major de la division, qu’il avait quitté depuis plusieurs heures déjà et qu’il devait maintenant impérativement rejoindre.

Quelques instants plus tard, je fus accosté par le lieutenant-colonel Doege, dont le régiment d’infanterie faisait mouvement vers le sud. Le commandant du régiment fit froidement part de son intention d’attaquer Prez. « Impossible, mon colonel, répondis-je. NOUS AVONS UN ACCORD AVEC LES FRANCAIS. Ils ont demandé un cessez-le-feu. »

Et j’expliquai toute l’affaire. Le lieutenant-colonel ne voulu rien entendre, soit qu’il voulût se distinguer par un nouveau fait d’armes, soit qu’il n’eût guère confiance en mes affirmations. C’était à son avis une histoire à dormir debout. « Désolé de vous déplaire, mais je vais donner l’ordre d’attaquer ».

Voyant que le colonel était résolu, que sa sottise allait probablement coûter la vie à des dizaines d’hommes des deux camps, je décidai de jouer mon va-tout. Aussi calmement que possible, conscient des conséquences disciplinaires que pouvait entrainer mon geste, JE DEGAINAIS MON PISTOLET et ajustais le colonel. « C’est moi qui serais désolé de devoir vous abattre si vous donnez cet ordre, dis-je très posément ».

(17 juin 1942)
Philipp Freiherr von Boeselager – Nous voulions tuer Hitler

2 commentaires:

  1. Anonyme4.8.10

    ça me rappelle le film" Joyeux Noël"

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  2. New Disorder25.8.10

    Valeureux témoignage du respect de la vie. Digne d'un Gentilhomme.

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